Épistémologie du risque : la troisième voie d’Ulrich Beck et son influence sur la doctrine environnementaliste
1 Chercheur post-doc. Centre de droit public. Université Libre de Bruxelles. • Ce texte développe l’introduction proposée oralement dans le cadre du colloque international intitulé « Qui gère le risque environnemental ? La prise en charge juridique du risque en Europe et au Canada » organisé par le Centre de recherche en droit public de l’Université de Montréal et le Centre de droit public de l’Université Libre de Bruxelles et qui s’est tenu les 29 et 30 septembre 2011 à l’Université de Montréal. Je remercie les membres du Comité scientifique à l’origine de ce colloque, en particulier Madame Hélène Trudeau et Monsieur Jacques Papy, pour leur aimable invitation. S’agissant d’un propos introductif, celui-ci vise davantage à ouvrir un débat général que de le clore au recours d’une thèse pointue et méthodologiquement éprouvée.
Résumé
En 1986, était publiée la première édition en langue originale de La Société du risque du sociologue et philosophe allemand Ulrich Beck. Un quart de siècle après cette édition séminale et dix ans après sa première parution en français, il semble pertinent de jauger dans quelle mesure cet ouvrage, l’un des plus importants dans le champ des sciences sociales de ces vingt dernières années, a pu ou non influencer la doctrine juridique en particulier, celle consacrée au droit de l’environnement. En effet, Ulrich Beck, dont les réflexions s’inscrivent dans le sillage des préoccupations écologiques contemporaines, prit les risques environnementaux comme point de départ de sa théorie. Dans le cadre limité de cette introduction, il s’agira de se pencher exclusivement sur les tensions épistémologiques traversant les analyses orientées vers la gestion du risque. Sur ce point, Ulrich Beck a développé une pensée originale, traçant ce que l’on pourrait qualifier de troisième voie entre les options réalistes d’une part, constructivistes d’autre part, options que l’on observe généralement dans la littérature de sciences sociales consacrée au risque et à sa gestion. Après cette présentation succincte, cette contribution constatera le peu d’influence que l’analyse produite par Ulrich Beck présente dans le champ des études juridiques relatives au droit de l’environnement. Plusieurs hypothèses explicatives de cette absence seront avancées. Surtout, il s’agira de regretter le peu d’ancrage épistémologique de la plupart des travaux juridiques portant sur l’environnement ; en particulier, le potentiel d’une réflexion environnementaliste fondée sur une approche davantage constructiviste du risque sera brièvement exploré.
English
In 1986, the first edition of Risk Society, by German sociologist and philosopher Ulrich Beck, was published. Twenty-five years after this seminal edition and ten years after it was published in French, it seems relevant to analyze how this work, among the most important in the social sciences studies of the last twenty years, affected the law, especially the one dedicated to the environment. Ulrich Beck, whose thinking align with contemporary environmental questioning, used the ecological preoccupations as the base for his theory. Within the limits of this introduction, we will focus on the epistemological tensions in the works about risk management. Ulrich Beck developed an original thought on the subject, neither realist nor constructivist, which are the two options usually found in the social sciences literature about risk management. Then, this contribution will record how limited the influence of Ulrich Beck’s theories have been on the teaching of the environmental laws and propose several hypotheses as for why it is the case. Above all, we’ll analyze how little the environmental judicial work focus on epistemology and eventually discuss the potential of an environmentalist reflection based on a constructivist approach.
Citation recommandée
Julien Peret, «Épistémologie du risque : la troisième voie d'Ulrich Beck et son influence sur la doctrine environnementaliste», (2012) 17-1 Lex Electronica En ligne : https://www.lex-electronica.org/s/164.Licence
© Julien Peret